vendredi 20 mai 2011

L'ABERRANTE HISTOIRE DE GILLES LUPIEN


Difficile de trouver histoire plus aberrante que celle de Gilles Lupien, le deuxième joueur à être intronisé au Temple de la Honte du Cacanadien de Mourial. Plus grand joueur de son époque... à six pieds six pouces (210 livres), il a pu réaliser son rêve de jouer pour le torCHon, mais son absence de talent et son caractère contradictoire ont raccourci sa carrière dans la Ligue Nationale de Hockey. Par un beau matin de 1959, à l'âge de cinq ans, chez lui à Brownsburg, au Québec, le petit Gilles raconte à sa mère qu'il s'est vu, en rêve, marquer un but pour le CH, avec l'aide de Jean Béliveau. C'est un garçon gentil et serviable qui aime venir en aide à sa famille et aux gens de son entourage. Passionné de hockey, il regarde assidûment les parties de son club de héros, à la télévision. Il apprend à jouer et finit par atteindre le niveau junior avec les Remparts de Québec en 1971. L'année suivante il est échangé aux Castors de Sherbrooke et ce n'est pas très long avant qu'il ait maille à partir avec son entraîneur, le bouillant Ghislain Delage. Celui-ci veut que Lupien se batte contre les fiers-à-bras des clubs adverses pour protéger ses coéquipiers et intimider les opposants. Le jeune homme de dix-sept ans refuse ce rôle. Un bon soir, durant un match, Delage ordonne à Lupien d'aller au combat contre un rival. Voyant que son grand joueur n'obéit pas à son ordre, il lui crache au visage. Revenu au vestiaire entre la deuxième et la troisième période, Lupien s'essuie la figure avec sa manche, enlève son uniforme et son équipement de hockey, et il s'en va. Dans son esprit il est clair que sa carrière est finie.



Cependant, la saison suivante, le Canadien Junior s'intéresse à ses services et Roger Bédard lui téléphone pour lui demander de revenir au jeu. Le défenseur format géant accepte à condition qu'il n'ait pas à jouer le rôle de policier. Cette année-là, il ne jettera pas les gants une seule fois, mais il sera abreuvé d'injures et d'insultes de la part des spectateurs qui assistent aux joutes du Junior. Avant le début des matchs, durant l'hymne national, il se fait lancer des oeufs, des écrous, des mégots de cigarette et d'autres genres de projectiles. Il reçoit même une menace de mort. Il a vraiment la trouille. Écoeuré de se faire traiter de peureux et de lâche, Lupien réagit et finit par faire ce qu'on attend de lui. Il consent à devenir un pugiliste malgré sa nature pacifique. Pour nous placer dans le contexte historique, nous sommes à l'époque des Broad Street Bullies. Les Flyers de Philadelphie imposent leur loi en intimidant leurs adversaires par un style de jeu rude et violent. Les autres équipes sont dans l'obligation de renforcer leur personnel en faisant appel à de gros joueurs pour assurer la sécurité de leurs coéquipiers et leur donner de l'espace de manoeuvre sur la patinoire.




C'est pourquoi, au repêchage amateur de 1974, les CHieux sélectionnent Lupien en deuxième ronde (33e choix au total). Après avoir complété son stage junior, Lupien continue d'apprendre son métier d'homme fort en Nouvelle-Écosse avec le club ferme du CH dans la Ligue Américaine. Il fait son entrée dans la LNH avec les CHaudrons en 1977. Il réalise son rêve d'enfant mais pas comme il l'avait imaginé. Lorsqu'il ne fait pas partie de l'alignement comme sixième défenseur, il est relégué aux estrades, à la galerie de la presse ou aux mineures. Lent comme un colimaçon, piètre patineur, et pas assez robuste pour son gabarit il est jumelé à Serge Savard par l'entraîneur Scotty Bowman afin que "le sénateur" corrige ses multiples erreurs. Le grand piquet n'est vraiment utile à son club que lorsqu'il joue des poings. Il n'est pas un bon batailleur mais son physique imposant lui permet de s'en tirer plus souvent qu'autrement avec les honneurs de la guerre... Comme il le confiait aux journalistes à l'époque : "je ne suis pas con, je connais mon rôle et je sais que je ne serai jamais dans les Ice Capades".




En tout, avec les Canailliens, il ne participera qu'à 174 parties éparpillées sur trois saisons (1977-1980). Sa fiche : seulement 3 buts et 22 points mais pas moins de 341 minutes de pénalités et deux Coupes Stanley (aucun point et 21 minutes de punitions en 25 matchs éliminatoires) ! Lupien aura tout de même eu le temps de laisser son empreinte grâce à quelques faits cocasses. C'est ainsi qu'il a grandement contribué au dernier but marqué par l'illustre Gordie Howe. Lors de la séquence du jeu en question, le no 24 du CHicolore voit s'avancer vers lui le père Howe. Parce qu'il respecte trop le vieux vétéran des Whalers, il s'abstient de le frapper alors qu'il en a l'occasion, et ensuite, le lancer du célèbre no 9 touche sa culotte avant de déjouer le gardien ! De retour au banc, Gilles se fait engueuler comme du poisson pourri par le pilote Claude Ruel (photo ci-dessus) à cause des gaffes qu'il vient de commettre. Rapidement, le management du Cacad'CHien finit par se lasser des lacunes de leur défenseur sous-doué et il est échangé à Hartford en 1980. Comble de l'ironie, à son premier match avec les Whalers, le 22 février 1981, contre les Rangers de New York, le maladroit défenseur québécois inscrit deux buts ! Ce seront ses deux derniers ! Il n'évolue que pendant vingt rencontres avec sa nouvelle équipe avant d'être expédié à Pittsburgh où il ne fera pas de vieux os non plus (31 parties). La saison suivante, il retourne jouer avec les Whalers pour un match avant d'être muté avec leur club ferme de Binghamton où il accrochera définitivement ses patins.




Par la suite, Lupien investira dans la restauration ("Dunkin' Donuts" et, bien plus tard, "Boston Pizza" avec ses deux enfants) et deviendra agent et représentant de hockeyeurs. Son franc-parler et son habitude de ne pas mettre de gants blancs pour juger ses confrères agents (qu'ils qualifient d'hypocrites et de vautours) ou négocier avec les directeurs-généraux de la LNH, lui vaudront de nombreux détracteurs. Ce qui contraste, soulignons-le, avec l'image de bon samaritain qu'il s'attribue lui-même depuis son enfance. Se souvenant des entraîneurs qui l'ont humilié durant ses années juniors en le forçant à se battre contre son gré, Lupien a mené une croisade contre la violence au hockey juvénile. Tenant les coachs responsable en grande partie de cette situation navrante parce qu'ils poussent leurs jeunes joueurs à adopter des comportements violents, il a un jour traité Richard Martel (photo ci-dessus), autrefois pilote des Saguenéens de Chicoutimi, "d'abuseurs d'enfants", ce qui lui a d'ailleurs valu une mise en demeure de la part du principal intéressé (en 2008).




Conscient de la pression exercée sur les joueurs par les partisans et les médias moronréalaids, connaissant en plus la lourdeur du système d'imposition en vigueur dans la Belle Province, Lupien n'a jamais trop conseillé aux joueurs dont il défend les intérêts de signer un contrat avec les Cannes à CHiens de Mourial. Même s'il laisse le dernier mot à ses clients, ce n'est probablement pas pour rien qu'en 2001 Martin Lapointe a préféré l'offre des Bruins de Boston à celle des CHaudrons de la métropauvre. Les bonzes de l'organisation mourialaise n'ont pas dû aimer non plus la réponse de Lupien à la question qu'un journaliste lui posa un jour pour savoir comment le Cacanadien avait fait pour établir des dynasties dans les années cinquante, soixante et soixante-dix. L'ancien défenseur de la Sainte Guenille a expliqué que c'était facile à comprendre. En ce temps-là, à chaque repêchage, a-t-il fait remarquer, le CH avait la priorité pour embaucher deux joueurs amateurs du Québec non signés. Ce privilège a cessé en 1969 mais les athlètes engagés avant cette date ont continué de profiter au Bleu, Blanc, Merde jusqu'en 1980. C'est pourquoi, de 1950 à 1980, le torCHon a accumulé seize Coupes Stanley et, qu'après, il n'en a gagné que deux (GROS, GROS, GROS MERCI à Patrick Roy pour ces exceptions-là). Quoi qu'il en soit, Lupien, par ses déclarations "froissantes" et son attitude baveuse ne s'est pas attiré les éloges de Pierre Boivin (photo), le président du Caca de 1999 jusqu'à 2011. Celui-ci l'a déjà sorti du Centre PouBell en lui enjoignant de ne plus jamais y remettre les pieds. Son interlocuteur avait simplement rétorqué qu'il avait son abonnement de saison aux parties locales des CHieux.



Aujourd'hui âgé de 57 ans, Gilles Lupien n'a toujours pas la langue dans sa poche et il peut donner occasionnellement des coups de gueule intempestifs. Mais lorsqu'il repense à sa carrière de joueur de hockey, il est serein et il considère, en se remettant dans la perspective de l'époque, qu'il s'est bien acquitté des tâches qu'on lui a confiées. Il a vécu de grands moments avec des clubs champions, autant dans la Ligue Américaine que dans la Ligue Nationale. Mais il ne s'accomodait guère de la vie publique de vedette du hockey à Mourial. Il préférait garder un profil bas, s'effacer ou passer inaperçu en dehors de la patinoire. Disons qu'il n'était pas du genre à désirer être idolâtré par un fan club. C'est pourtant la chose la plus inattendue et la plus insolite qui lui soit arrivée.





En 1977, dès sa première année dans la grande ligue, un fan club Gilles Lupien a été créé à... Calgary par des étudiannts universitaires ! Pourquoi ? On ne le saura peut-être jamais... Lupien était un joueur marginal, pas bien établi dans le circuit professionnel. Sa place était incertaine et ses présences sporadiques dans l'alignement du torCHon. Il semblait trop grand pour jouer au hockey. Il était gauche, il manquait de coordination, de mobilité et de talent. C'est possiblement parce qu'il en arrachait et paraissait mal dans ce corps démesuré que des gens de l'ouest canadien ont éprouvé de la sympathie pour lui. Bien que l'on soupçonne plutôt que la naissance de ce fan club ne découle que d'une "joke" d'étudiants, de joyeux drilles en mal de divertissement ou d'une façon de se faire remarquer dans un loufoque carnaval comme il y en a souvent sur les campus universiraires. À cause de son rôle de bagarreur, les amateurs de hockey des autres villes de la LNH huaient Lupien et lui lançaient des objets de toutes sortes. Partout sauf au vieux Calgary Corral... Lors de ses passages dans cette ville, que ce soit dans l'uniforme du CH, des Whalers ou des Penguins, Lupien pouvait compter sur les membres de son fan club. Certains se déplaçaient même pour l'encourager durant les pratiques. Et si Gilles avait la chance de faire partie de l'alignement pour le match qui suivait, il bénéficiait du support inconditionnel de "ses" partisans. Quel réconfort de recevoir quelques tapes amicales dans le dos au lieu des projectiles et de l'hostilité habituelle des fans des autres équipes de la Ligue !



En 2007, coiffés de leur casquette identifiée à leur groupe, les membres du fan club de Lupien se sont réunis à Jaffray, en Colombie-Britannique, pour célébrer le 30e anniversaire de leur association. Même si Gilles comprend qu'il y a une connotation humoristique accolée à cet organisme destiné à lui rendre hommage, il se dit fier de son fan club. Lorsqu'on le questionne à savoir s'il ne trouve pas un peu étrange d'avoir, premièrement, un fan club et, deuxièmement, que ce club soit toujours actif après tant d'années, Lupien répond tout simplement non. Après tout ce n'est pas la seule marque d'affection qu'on lui a donnée. En son honneur, l'aréna de son coin de pays natal, Brownsburg, porte également son nom. Et, à partir d'aujourd'hui il est membre du HABS HALL OF SHAME ! Ce n'est pas rien ! Ha ! Ha ! Ha !





mardi 4 janvier 2011

TURNER STEVENSON : CETTE BELLE COULEUR ROSÉE DE JAMBON PARFAIT !


Avant de "tripper" fort sur le repêchage de jeunes joueurs américains dans les années 2000, les recruteurs des Canailliens de Mourial capotaient sur les bouvillons de l'Ouest canadien. Des choix qui, pour la grande majorité, se sont révélés être des "flops" immenses ou des jambons avariés. Prenez Turner Stevenson par exemple : premier joueur sélectionné par le torCHon (12e au total) lors de l'encan de 1990. L'ailier droit de 6' 3" (231 lbs) originaire de Prince George en Colombie-Britannique, n'a jamais démontré au niveau professionnel les qualités que les dépisteurs des CHieux avaient vu dans son jeu lorsqu'il évoluait chez les juniors dans la WHL. Convaincus d'avoir déniché un "power forward", une perle rare qui s'imposerait devant les filets ennemis pour marquer des tonnes de buts, les hommes de hockey du Caca se sont finalement ramassés avec une grosse poire dont la seule utilité a été de servir de "punching bag" pour les batailleurs des autres clubs de la LNH. Les seules statistiques notables de sa carrière sont les 969 minutes de punitions qu'il a accumulées en évoluant avec Mourial, New Jersey et Philadelphie. Après avoir signé un contrat de trois ans avec les Flyers en 2006, il n'a disputé que 31 matchs pour eux puisqu'il a dû prendre sa retraite à cause de blessures au genou et à la hanche.


Durant ses huit années passées avec les CHaudrons de la métropauvre (1992-2000), celui que l'on surnommait "T" n'a jamais été capable de marquer plus de dix buts dans une saison. En 385 parties avec le CHicolore il n'a enregistré que 45 buts et 111 points en plus de montrer une fiche déficitaire de - 22 au chapitre des +/-. En fait, le power forward que la CHiasse aurait dû repêcher en '90 c'est Keith Tkachuk, choisi sept rangs plus loin (19e) que Stevenson par les Jets de Winnipeg. Le rude joueur de centre a connu une carrière glorieuse, disputant 1201 parties et compilant un dossier de 538 buts, 527 passes pour 1065 points et 2219 minutes passées au cachot. Un monstre ! Un autre futur membre du Temple de la Renommée du Hockey, le gardien recordman Martin Brodeur, a été choisi immédiatement après Tkachuk (20e rang) par les Devils du New Jersey. Ironie du sort, quand les Cannes à CHiens ont démissionné dans le cas de Stevenson en ne le protégeant pas lors du repêchage d'expansion qui visait à former l'équipe des Blue Jackets de Columbus, le gros jambon rougeaud de la Sainte Guenille s'est retrouvé avec le nouveau club avant d'être échangé immédiatement aux Devils du New Jersey, où il a rejoint Brodeur.


Les deux choix de première ronde de 1990 sont devenus des amis et, bien qu'ils aient pris des chemins différents depuis quelques années, ils restent en contact et se parlent à l'occasion. Ils se rappellent de bons souvenirs comme celui du jour où ils ont été repêchés à quelques minutes d'intervalle. Denis Brodeur, le père de Martin, était alors le photographe officiel du Canadien. Il était en train de prendre des clichés de Stevenson, célébrant sa sélection en compagnie des membres de sa famille, quand son fils fut choisi à son tour. Denis planta là les Stevenson pendant plus de 45 minutes pour plutôt immortaliser les grands moments vécus par son garçon. Pour s'excuser auprès de Stevenson, Martin lui paya le dîner.

Du temps où ils jouaient ensemble, Stevenson ne manquait pas de tirer la pipe à Brodeur en lui rappelant qu'il avait été choisi avant lui au fameux encan amateur de 1990. Étant donnée la différence énorme entre le succès de l'un par rapport à l'échec de l'autre, ce "running gag" était en effet assez comique. Cela ne les a pas empêchés de gagner la Coupe Stanley sous la direction de l'entraîneur Pat Burns, en 2003.

Aujourd'hui âgé de 38 ans, "T" remplit les fonctions d'assistant-entraîneur pour les Thunderbirds de Seattle de la Ligue Junior de l'Ouest. Il s'agit d'un retour aux sources puisque c'est avec cette équipe qu'il a évolué durant ses années junior. Grand amateur de pêche dans la vraie vie, Stevenson aura finalement été lui-même un gros broCHet repêché par le torCHon. C'est avec joie et dans le plus grand déshonneur que j'accueille Turner Stevenson comme tout premier ancien joueur élu au Temple de la Honte du CH (Habs Hall of Shame). Welcome "T" !